Regards sur le théâtre d'ombres et de marionnettes de Taïwan
Taïwan fut longtemps considérée comme le conservatoire des arts traditionnels chinois et ceci est particulièrement vrai des marionnettes et des ombres qui ont de tous temps joué un rôle rituel important. Aujourd’hui encore, des troupes de marionnettes à gaine budaixi se produisent dans les temples des villes et villages de Taïwan tandis que des marionnettes à fils kuileixi pratiquent des exorcismes dans des endroits aussi insolites que les docks du port de Kaohsiung.
Mais non contentes de distraire les dieux et de chasser les mauvais esprits, les troupes de marionnettes et d’ombres divertissent aussi un public de tous âges dans les théâtres, les cours des temples, sur les places, dans les écoles, suscitant une communion jubilatoire à partir de vieilles légendes et d’opéras célèbres. Ici aussi, les plus jeunes ne résisteront pas aux burlesques poursuites et scènes de bataille bruitées par les tambours, les woodblocks et les gongs, et les plus âgés seront séduits par la virtuosité et l’élégance de la manipulation, la poésie des poupées vêtues de soie et des figurines de cuir délicatement colorées.
Pierre Bois
Promenade à la Fête des Lanternes
spectacle surtitré en français – durée 60 mn
L’existence de marionnettes à fils remonte probablement à la dynastie des Han, il y a un peu plus de 2.000 ans. Théâtre funéraire à l’origine, il devient un divertissement sous les Song (Xe - XIIIe siècle) et se répand dans toute la Chine notamment au Fujian, d'où il gagne l'île de Taïwan sous le nom de kuileixi. Ce théâtre ne s'est jamais départi de ses fonctions rituelles et Hsueh Ying-Yuan, le directeur de la troupe Jin Fei Feng, est fréquemment appelé pour exorciser un lieu ou célébrer l’anniversaire d’une divinité.
Les marionnettes, hautes d’une cinquantaine de centimètres, sculptées dans un bois dur, peintes et vêtues de brocarts, possèdent des bras et des mains articulés ainsi que des jambes aux pieds lestés de semelles épaisses et sonores. Une marionnette équipée de seize à vingt-deux fils peut reproduire tous les mouvements d'un acteur ; mais pour monter à cheval, il lui en faut vingt-huit. Le marionnettiste manipule les personnages, à vue ou derrière un rideau, les pieds des poupées reposant sur le sol. Les mouvements des bras, des mains et de la tête sont très gracieux, mais c'est dans la marche que l'on reconnaît la qualité d'un marionnettiste. Entre les mains d'un virtuose, la poupée est capable de tirer une épée de son fourreau et de l'y remettre, de s'éventer, essuyer ses larmes, se lisser la barbe, boire, écrire, faire un saut périlleux...
La troupe Jin Fei Feng a été fondée à Kaohsiung en 1920 par Hsueh Pu, le grand-père de son directeur actuel, Hsueh Ying-Yuan. Celui-ci a été formé par son père Hsueh Chung-Hsin et n’avait que 25 ans lorsqu’il dut prendre sa succession. Son style s’apparente à celui de Quanzhou, connu pour ses marionnettes aux traits arrondis et délicats et son accompagnement musical raffiné. La pièce se passe pendant la fête des Lanternes qui clôt les festivités du Nouvel An. Elle met en scène un couple aimant, lettré et facétieux et toute une galerie de personnages qui sont autant d’occasions pour les marionnettistes de déployer leurs multiples talents.
Pierre Bois